lundi 17 décembre 2007

I Wish You Love


Quand j'ai créé ce blog, j'avais l'intention très ferme de ne jamais y parler directement de moi, de mon identité, de ma vie; de laisser mes goûts, mes passions, mes centres d'intérêt, mes commentaires sur les mille et une petites choses qui font mon quotidien parler pour moi et composer, au fil du temps, quelque chose comme un autoportrait sans visage. Mais voilà: depuis plus d'un mois, la mécanique s'est enrayée, et les pensées qui m'obsèdent sont trop douloureuses et trop pesantes pour que je puisse passer ne serait-ce que vingt minutes à disserter ici sur de petits riens. En sont responsables le départ de P., cela va de soi, mais aussi la grave crise qui frappe actuellement l'organisme qui m'emploie, et dont il pourrait bien ne pas se relever. Je ne parlerai jamais de mon travail ici: pas question de revenir sur cet engagement-là. Mais de P., et de son prédécesseur italien PP, je dois parler un peu. Je le dois, parce qu'il est temps que certaines choses soient dites, et parce que jusque-là je ne serai pas libre de ma parole et de mon écriture. Je le dois, non pour régler des comptes, mais au contraire pour donner au passé une chance de s'estomper peu à peu, pour lui permettre de n'être plus que cela: du passé, des souvenirs, touchants ou douloureux, les deux peut-être, mais rien de plus. Et pour me donner à moi, aujourd'hui, une chance de vivre; pourquoi pas, de vivre heureux. PP ne me lira jamais, mais P. le fera peut-être; il connaît l'URL de cette page. Tant mieux: je regrette aujourd'hui toutes les choses que je n'ai pas dites au moment de notre rupture, et il est temps. Il est temps qu'il les entende, si la chose est possible.

P., PP, je vous ai aimés l'un et l'autre, pour les mêmes raisons, vous qui êtes si différents pourtant: parce que vous êtes bons, intelligents, humbles ou du moins (c'est l'essentiel) capables d'humilité, et aussi parce que vous êtes beaux, de cette beauté méditerranéenne à laquelle je ne résiste pas, quand elle se rencontre chez un homme aussi totalement dénué de vanité que vous l'êtes tous deux. J'ai été heureux auprès de vous, parce que j'étais fier de vous avoir à mes côtés, parce que je me sentais bien dans vos bras, et aussi parce que vous m'avez, un temps, apaisé, parce que vous m'avez donné, un temps, le sentiment de compter pour quelqu'un, d'être racheté, sauvé, consolé par l'affection que vous aviez pour moi. Consolé, oui, c'est le mot: près de vous j'ai senti se dissiper un peu d'une tristesse que je porte en moi depuis l'enfance, celle de ne jamais avoir connu la tendresse dont j'ai besoin, ma tristesse de petit garçon qui a froid et à qui personne n'a jamais dit qui il est, ni qu'il est digne d'amour. Pour cela, je vous remercie du plus profond de mon cœur; et ma gratitude n'aura pas de fin. Mais je me rends compte aussi que je vous ai trop demandé, et qu'il m'appartient de trouver par moi-même quelques-unes des choses que j'attendais de vous. A moi, d'abord, d'avoir pour moi-même un peu plus d'estime et de considération; à moi d'avoir confiance en ma capacité d'inspirer l'amour. Car autrement comment accueillir avec confiance l'amour d'un autre? Comment ne pas se sentir menacé d'anéantissement lorsque cet amour vient à s'éteindre? Et comment ne pas prendre le départ de l'être aimé comme un verdict dont on ne se remet pas?

Vous êtes tous les deux partis parce que nous étions allés ensemble jusqu'au bout de ce qui était possible. Nous n'étions peut-être pas faits pour vivre ensemble: c'est dommage, mais c'est ainsi. Ce n'est pas un échec, ni une faute. Il m'a fallu bien du temps pour le comprendre. Je me suis senti jugé, dévalorisé par votre départ; j'ai eu le sentiment de n'être plus rien. Ma rupture avec PP m'a plongé dans une profonde tristesse dont je ne suis pas encore tout à fait sorti; quand je le croise, ce qui m'arrive souvent (Paris est bien petit parfois), ma douleur se ravive. Mais pour l'essentiel il n'en a rien su: son élégance, sa douceur, sa sincérité étaient telles que j'aurais eu le sentiment de lui manquer de respect si je lui avais montré ma peine, et j'ai préféré le fuir, ce qu'il regrette sans doute aujourd'hui. P. s'est montré moins délicat, c'est le moins que l'on puisse dire, et c'est ce qui a motivé ma colère. Pourtant, lui aussi avait tout fait pour me montrer qu'il m'estimait et me respectait toujours, même si le cœur n'y était plus. Je me suis montré, sur le moment, incapable de le comprendre: j'ai pris son départ pour une insulte, j'y ai vu un geste dévalorisant, méprisant, ce qui, par-delà la déception amoureuse, m'a rendu la situation intolérable. J'ai eu tort. P., j'ai été injuste envers toi. Je l'ai été tout autant envers moi-même; je me suis fait du mal inutilement, j'ai rajouté à la douleur de te perdre celle de perdre le sentiment de ma propre valeur, je me suis trouvé seul, sans toi, dans le néant et dans la nuit. Cela, tu ne l'as pas voulu. Bien mieux: tu as tout fait pour l'éviter. Je n'ai pas su t'en remercier dignement. Je voudrais le faire aujourd'hui. Et je voudrais aussi te demander pardon.

Le moment est venu de vous dire adieu. Adieu, non pas à vous, P. et PP: au contraire, j'espère vous revoir et partager avec vous de nombreux moments de joie, quand l'horizon sera dégagé. Mais adieu à ce que vous avez été pour moi: adieu à notre amour qui n'est plus, et dont je dois laisser le fantôme s'éloigner de moi si je veux avoir une chance d'accueillir dignement l'avenir. Je vous ai aimés, je vous aime encore, je vous aimerai peut-être toujours; mais comme on aime une part de soi-même, dont on a besoin pour vraiment aimer les autres. Je dois apprendre à ne pas vous regretter, et à ne rien regretter de ce que nous avons vécu ensemble. Je dois apprendre à ouvrir les bras à celui qui viendra après vous, avec qui je vivrai peut-être ce que j'ai tant espéré connaître avec vous, et que la vie m'a pour l'instant refusé. Il mérite aussi sa place, il mérite que j'aille vers lui en toute confiance, libéré de mes fantômes. Il mérite lui aussi justice.


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